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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/709

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tout ce qui est parfaict est extreme. Or si ton affection est parfaicte, on n’y peut donc rien adjouster, et ne sçauroit se rendre plus grande qu’elle est, ny plus accomplie. Dy moy donc maintenant : qu’est-ce qu’amour ? N’est-ce pas un desir de beauté et du bien qui deffaut ? Mais si ton amour est desir du bien qui deffaut, advoue par force qu’on peut adjouster à ton amour quelque chose qu’elle n’a pas. De plus tu dis qu’elle ne peut estre reprise. Si je te demande que c’est que tu aimes, tu respondras que c’est Diane, et si passant plus outre, je m’enquiers qui est ceste Diane, tu diras que c’est la plus parfaicte bergere du monde. Or respons moy : Si ceste bergere est aussi parfaicte que tu l’estimes, n’es-tu pas bien outrecuidé d’oser aymer une telle perfection, puis qu’il faut qu’il y ayt de la proportion entre l’amant et l’aimé ? Car je ne croy pas que ta presomption soit telle qu’elle te persuade que tu sois aussi parfaict comme tu l’estimes.

Je m’asseure que tu me voudras reprendre de mesme faute, pource que j’ayme Phillis, que tu diras avoir beaucoup plus de perfection que moy ; mais je suis de contraire creance à la tienne, premierement, parce que je ne tiens pas Phillis telle que tu dis ta Diane. J’advoue bien qu’elle a de la beauté et du merite, mais aussi ne suis-je pas sans l’un ny sans l’autre. Elle a de l’esprit, j’en ay aussi. Elle est sage, je ne suis pas fol. Bref, elle est bergere, je suis berger, er si elle est Phillis, je suis