Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/711

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dueil ? C’est une imagination, ou plustost une invention de quelque fine amante, qui se voyant devenue laide, ou preste à estre changée pour une plus belle qu’elle n’estoit pas, mit en avant cette opinion, et la fit croire pour quelque chose de tres-mauvais. Et faut-il qu’un homme d’esprit s’y abuse, et qu’il passe sans subject tout son aage en travaillant sans estre soulagé ? Appellera-t’on cela amour et constance, ou si avec plus de raison on ne luy doit point plustost donner le nom de folie ? Quoy ! languir dedans le sein d’une vieille et ingratte maistresse ? ô erreur indigne d’un homme d’esprit et de courage ! Quand on dit vieille, ne s’ensuit-il pas de necessité, laide ? que si elle est vieille est laide, où est le jugement qui la tiendra pour estre aimable ? Et quand on dit ingratte, n’est-ce pas autant que trompeuse, perfide, et desdaigneuse ? Mais si elle est telle, où est le courage qui pourra souffrir de se soumettre à une si outrageuse et indigne personne ? Que Silvandre ne me demande donc plus en quoy l’on peut rependre son amour, et où l’on en peut trouver une plus parfaicte, puis que je m’asseure qu’il n’y a personne en ceste troupe qui ne luy die : Hylas ayme, et Hylas seul sçait aymer en homme d’esprit et de courage. Le berger inconstant finit de ceste sorte, s’estant tellement esmeu par ses propres raisons, qu’il en estoit tout en feu ; chacun sousrit, et