Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/713

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grande nymphe, ny de la venerable Chrisante, et te ressouviens que les dieux ont plus ordinairement les pardons et les bienfaicts en la main, que la justice, et les chastimens. – Mais, dit Hylas, ces bergeres de qui la condition ne les approche point davantage des dieux que nous, y ont leurs voix, encores qu’elles ne jugent pas seules. – Ha ! Hylas, adjousta Silvandre, tu offences leurs merites et leurs beautez, qui peuvent bien les eslever encor plus haut que la condition la plus relevée qui soit en terre. Mais ne crain rien, berger, car je voy bien qu’il n’y a personne icy qui se dispose à la rigueur, et tout le chastiment que tu en dois attendre, c’est seulement la cognoissance de ton erreur. Tu dis donc, Hylas, qu’il n’y a point d’amour parfaicte, sans l’acquisition du bien desiré, parce qu’amour n’est qu’un desir du bien qui deffaut. Mais, madame, avant que de respondre à ce berger, il faut que je vous supplie tres-humblement de m’excuser, si pour descouvrir ses subtilitez je suis contraint d’user de quelques termes qui ne sont guieres accoustumez parmy nos champs. Il m’y contrainct, comme vous voyez, et me force, pour soustenir la verité, de parler de ceste sorte. – Or respond-moy donc, berger. Desire-t’on ce que l’on possede ? tu diras que non, puis que le desir n’est que de ce qui defaut. Mais si l’amour, comme tu dis, n’est qu’un desir,