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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/714

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ne vois-tu pas que posseder ce que l’on desire, c’est faire mourir l’amour, puis que personne ne desire ce qu’elle possede ? – Et comment, adjousta Hylas, on n’aime point ce que l’on possede ? Si cela est, j’aime mieux que tu aimes et que je n’aime point, afin que tu desires, et que je possede. – Cela n’est pas, respondit Silvandre, ce que je dis, mais c’est pour te monstrer que l’amour n’est pas seulement le desir de la possession, comme tu nous voulois persuader, et qu’au contraire ceste possession la fait plustost mourir que vivre. – Si ce n’est, repliqua Hylas, ce qui la fait vivre, c’est pour le moins ce qui luy donne sa perfection. – Ce n’est point cela encores, dit Silvandre, car elle n’est nullement necessaire pour parfaire l’amour, tout ainsi qu’un diamant est aussi parfaict diamant avant qu’estre mis en œuvre, qu’apres que l’artisan l’a poli, parce que si la perfection de l’amour despendoit de ceste jouyssance, il ne seroit au pouvoir de celuy qui aime d’aimer parfaictement, puis que ceste possession ne despend de luy, mais du consentement d’un autre. Et toutesfois l’amour estant un acte de la volonté qui se porte à ce que l’entendement juge bon, et la volonté estant libre en tout ce qu’elle faict, il n’y a pas apparence que ceste action qui est la principale des siennes despende d’autre que d’elle-mesme.

Mais soit ainsi qu’amour ne soit qu’un desir,