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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/715

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pour cela faut-il conclure comme tu fais, à sçavoir qu’elle se peut augmenter en jouyssant de ce que l’on desire ? Au contraire, si tu le consideres, tu diras que l’amour en est moindre, parce que tu sçais bien que nostre ame ressemble en cecy à l’arc, et tout ainsi que plus la corde est tendue, et plus il jette la fleche avec violence, de mesme nostre ame pousse bien avec plus de violence les desirs dont les effects luy sont mal aisez et deffendus, que ceux dont l’accomplissement est en sa puissance. Que si les desirs s’amoindrissent quand ils sont faciles, à plus forte raison quand ils seront assouvis ; mais si l’amour n’est qu’un desir, comment peux-tu penser qu’il augmente par la possession qui diminue le desir ?

Ne dis donc plus, Hylas, que mon amour estant un desir ne peut estre parfait sans la possession, et ne m’oppose plus, pour m’accuser d’arrogance, qu’il faut qu’il y ait de la proportion entre Diane et moy, car si tu nies que l’homme doive aimer Dieu, je t’accorderay ce que tu dis ; mais si tu advoues que c’est un des premiers commandements qu’il nous faict, je te demanderay, berger, quelle plus grande disproportion y a-t’il entre Diane et moy, que celle qui est entre le grand Teutates, et Hylas ? Et pour te sortir d’erreur, il faut que je t’explique encores ce secret mystere d’amour. Nous ne pouvons aimer que nous ne cognoissions la chose que nous aimons.