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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/716

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O ! s’escria Hylas, combien est fausse ceste proposition. J’ay aimé plus de cent dames, ou bergeres, et je n’en cogneus jamais bien une, et pour preuve de ce que je dis, aussi tost que je les trouvois ingrattes ou desdaigneuses, je les laissois, et m’en retirois tout en colere de les avoir estimées autres que je ne les trouvois pas. – Ceste preuve que tu as faicte, respondit Silvandre, est celle qui te doit faire advouer ce que je viens de dire. Car tu aimois ce que tu cognoissois, c’est à dire qu’ayant opinion qu’elles eussent les perfections que tu jugeois aimables, tu les aymois, mais ayant recogneu la verité, tu as laissé de les aimer, et par là tu vois que la cognoissance de la perfection que tu t’estois imaginée, estoit la source de ton amour. Et à la verité, si la volonté dont naist l’amour, ne se meut jamais qu’à ce que l’entendement juge bon, n’y ayant pas apparence que l’entendement puisse juger d’une chose dont il n’a point de cognoissance, je ne sçay comment tu te peux imaginer qu’on puisse aimer ce qu’on ne cognoist point. Je t’advoueray bien toutesfois que tout ainsi que le veue se trompe quelquefois, de mesme l’entendement se peut decevoir, et juger aimable ce qui ne l’est pas ; mais tant y a que l’amour vient de la connoissance, soit-elle fausse ou vraye. Or cela estant ainsi, n’as-tu pas appris dans les escoles des Massiliens que l’entendement qui entend, et