Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/741

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après l’avoir baisée et mouillée de mes larmes quelque temps, en fin lors que je peux parler, je luy dis : Doncques, mon bel Astre, il faut que je vous eslongne, et que je ne meure pas, puis que vous me l’avez commandé. Mais comment le pourray-je, si la pensée de cet esloignement m’est tant insupportable qu’elle m’oste presque la vie toutes les fois que je me souviens qu’il vous faut laisser ? Elle ne me respondit rien, mais me jetta un bras au col, et me fit coucher en son gyron, exprés, comme je croy, pour m’oster la veue des larmes qu’incontinent apres elle ne peut retenir.

Et parce que j’attendois qu’elle me dist quelque chose, je de-meuray quelque temps muet ; elle cependant, me flatoit les yeux et les cheveux avec la main, et me sembloit bien d’ouyr quelques souspirs qui estant contraincts n’osoient sortir avec violence pour ne se faire ouyr. Ayant en ce silence quelque temps repensé en mon mal, en fin je parlay à elle de ceste sorte : Helas ! mon Astre, ne plaignez-vous point ce miserable berger que la cruauté d’un pere, et la rigueur du destin chasse d’aupres de vous ? Elle me respondit avec un grand souspir : Est-il possible, mon fils, que vous ayez memoire de ma vie passée et que vous entriez en doubte que je ne ressente vivement tout ce qui vous desplait ? Croyez, Celadon, que je vous rendray tesmoignage que je vous aime, et