Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/753

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que mon amitié estant si parfaicte envers toy, je recognoisse la tienne si deffaillante ? Tu n’as pas eu le courage de m’oster la vie, afin que je te puisse suivre, et tu as bien la volonté de te ravir de moy, afin que tu puisse suivre Eudoxe ? Crois-tu la mort estre bien ou mal ? Si c’est mal, pourquoy veux-tu le donner à ce que tu sçais bien que Olimbre ton amy ayme plus que luy-mesme ? Si c’est bien, pourquoy ne veux-tu qu’Olimbre que tu aymes participe à ce bien avec toy ? – A toutes ces rai­sons, respondit Ursace, je ne te puis dire autre chose, sinon qu’Olimbre vivra eternellement s’il ne meurt que de la main d’Ursace, et que tu me rendras une extreme preuve d’amitié de me laisser librement parachever ce dessein qui seul peut effacer la honte d’avoir survescu à mon bon-heur.

Et en disant ces paroles il essayoit de retirer le bras que son amy luy tenoit engagé sous le corps, dequoy m’appercevant, et craignant,, que celuy qui estoit blessé n’eust pas assez de force pour l’en empescher, je m’approchay doucement d’eux et pre­nant la main d’Ursace, je luy ouvris les doigts à force, et me saisis du glaive. Et parce que l’effort qu’Olimbre faisoit, luy avoit fait perdre beaucoup de sang par la blesseure de la main, incontinent apres se sentit defaillir, et prenant garde que c’estoit à cause, de la perte du sang, il se leva de dessus son com­pagnon, et luy monstrant sa