Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/758

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l’advertir qu’encores que je fusse sorty de leur logis, toutesfois je ne m’en estois pas allé, espérant par ce moyen que je le reverrois encores. Car, grande nymphe, ils avoient pris une si grande confiance en moy qu’ils s’asseuroient, avec mon assistance, de r’avoir bien tost Eudoxe.

Mais trouvant qu’il s’estoit endormy, il revint incontinent où j’estois, et voyant que je prenois mon repas, il demeura un peu estonné. Si n’en fit-il point de semblant, tant qu’il vid quelques personnes du logis autour de moy ; mais quand la nappe fut ostée, et que nous demeurasmes seuls, je luy dis qu’il serrast la porte de la chambre sur nous. Et puis le faisant asseoir, quoy qu’avec beaucoup de peine, pour le mettre hors d’erreur, je luy parlay de ceste sorte : Je voy bien, seigneur chevalier, que l’assistance que vous avez eue de moy tant à propos vous a faict croire que j’estois quelque chose plus qu’homme, et n’ay point esté marry que vous ayez eu ceste creance, afin de vous destourner du cruel et furieux dessein que vous aviez. Mais à ceste heure que la raison a repris sa premiere force en vous, je ne veux pas que vous demeuriez plus long temps deceu. Sçachez donc que je suis Celte, que vous appeliez Gaulois, et né dans une contrée dont les habitants sont nommez Segusiens et Foresiens.