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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/759

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Quelques occasions qui seroient longues et inutiles à vous desduire, m’ont fait sortir de ma patrie, et me contraignent de demeurer en ceste Italie pour quelque temps. Toutesfois je tiens pour certain que ce ne fut point sans une particuliere pro­vidence du Ciel que je fus conduit si à propos au lieu où vous estiez, qu’il s’en est ensuivy un si bon effect. Je l’en remercie de tout mon cœur, et me semble que vous en devez faire de mesme, puis que vous devez estre tres-asseuré qu’il ne vous eust point retiré de ceste prochaine mort, si ce n’eust esté pour faire de vous quelque chose, ou à sa gloire ou à vostre honneur et contentement.

Je vy à ces paroles qu’Ursace devint pasle, et changea deux ou trois fois de couleur, se voyant deceu de l’assistance divine qu’il avoit esperée; toutesfois, comme homme de courage, apres y avoir pensé quelque temps : J’advoue, me dit-il, que j’ay esté deceu, car vous voyant en quelque sorte vestu d’autre façon que nous ne sommes, le visage si beau, oyant vostre voix plus douce, et vostre parole si grave, et de plus estant arrivé presque invisi-blement et si à propos prés de nous, il faut que j’advoue que je vous prins pour l’un des messagers du grand Dieu. Mais puis que j’entends par vostre bouche mesme, que vous estes mortel comme nous, je ne veux pas laisser de croire pour cela, que vous ne soyez envoyé de luy pour luy conserver