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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/778

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homme qui le servoit en la chambre. Il eut tant de puissance sur sa douleur, qu’il retint les plaintes jusques à ce qu’il eut commandé à ce jeune homme et à moy, de nous reti­rer dans sa garderobbe, attendant qu’il nous appellast. Et faisant tirer le rideau, il se mit à souspirer si haut, que nous l’enten­dions quelquefois, encor que la porte fust fermée.

Je m’enquis alors quel estoit le mal qui le retenoit dans le lict, et je sceus que c’estoient des blesseures qu’il avoit eues en une rencontre, où les Neustriens avoient esté desfaicts par la valeur de Qidaman et de Lindamor. Et parce que j’estois curieux de sçavoir comme le tout s’estoit passé, prenant la parolle, il me parla de ceste sorte : Je croy, Fleurial, me dit-il, (car il sçavoit mon nom, m’ayant veu bien souvent dans les jardins de Montbrison et dans le logis mesme de son maistre, lors que vous m’y envoyez) que tu as ouy dire les batailles qui ont esté gagnées sur les Neustriens par le roy, avec l’assistance toutesfois de Clidaman et de mon maistre. Je m’asseure aussi que tu as ouy parler d’une dame (il me la nomma bien, dit-il, s’addressant à Leonide, mais j’en ay oublié le nom) qui, s’habillant en homme, avoit suivy, d’un pays qui est de là la mer, un Neustrien qu’elle aymoit, et qui ressembloit tant à Ligdamon, qu’estant pris pour luy, il mourut, ne voulant point espouser une femme pour qui celuy-là s’estoit battu, et avoit