Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/782

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qui n’estoient que des remerciements, et desquels je vous advoue, madame, que j’ay perdu entierement la memoire.

Les nymphes ne peurent s’empescher de rire, oyant les discours de Fleurial, et les effets de sa bonne memoire. Et parce qu’elles vouloient parler ensemble, elles luy commanderent de sortir et d’attendre que Silvie s’en retournast, et sur tout qu’il se gardast bien de dire à personne que Lindamor deust revenir. Et estant demeurées seules, elles resolurent de dire tout ouver­tement à Galathée la verité de ce voyage, esperant que peut-estre le merite de Lindamor la feroit revenir à son devoir ; mais de luy cacher en toute façon le temps de son retour, de peur que si elle le sçavoit, elle n’en donnast advis à Polemas, non pas pour amitié qu’elle luy portast, mais seulement afin qu’il se tinst sur ses gardes, et qu’il fist une telle deffence que, Lindamor le voulant tuer, ils y demeurassent tous deux, ou bien que, luy disant le dessein et l’entreprise de Lindamor, il demandast le camp, et qu’ils y mourussent, dequoy les paroles de la nymphe les mettoient en soupçon.

Ayant donc fait ce dessein, Silvie fut d’avis de le communi­quer au sage Adamas, afin d’en sçavoir son opinion ; mais Leonide luy dit, qu’elle luy en parleroit à loisir, et qu’à ceste heure il estoit empesché avec sa fille. – Et ne la verray-je point ? dit Silvie. – II sera bien mal aisé, dit Leonide,