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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/795

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aimez, car ayant appris de mon pere, combien il vous estime et cherit, je seray tousjours tres-aise de vous donner occasion de continuer l’amitié que vous luy portez. – Et les obligations que nous avons au pere, respondit Lycidas, et les merites de la fille nous commandent à tous de vous rendre toutes sortes de services, mais à moy, ce me semble, plus qu’à tout autre, qui voy revivre en vostre visage, celuy pour qui je ne ferais difficulté de mettre ma vie, si cela pouvoit r’appeler la sienne.

Telles furent les premieres paroles dont ces deux freres userent ; et quoy que Leonide se contraignit, si ne peut-elle s’empescher de sousrire, voyant combien Lycidas estoit trompé. Mais ayant peur qu’Alexis à l’abord ne fust pas bien accoustumée de parler en fille, elle voulut interrompre leur discours, faignant d’estre curieuse d’entendre des nouvelles des bergeres ses amies, qu’elle n’a voit veues il y avoit plusieurs jours. – Vous reprendrez une autrefois ces belles paroles, dit-elle, Lycidas, mais à cette heure, dites-moy je vous prie, comment se portent mes cheres amies, j’entens les bergeres de vostre hameau ? – Les unes, respondit Lycidas, sont contentes, les autres faschées, et les autres ny fachées ny contentes, mais passent doucement leur vie. – Qui est celle, adjousta Leonide, qui est tant insensible au bien et au mal, qu’elle ne ressent ni l’un ni l’autre ? – C’est respondit Lycidas, la ber­gere