Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/796

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Diane, car n’aymant rien, je’ ne croy pas qu’elle puisse avoir ny bien ny mal, puisque tous les biens et tous les maux qui ne procedent d’amour, ne meritent d’avoir ce nom. – Je croy, dit Leonide, que vous le pensez comme vous le dites ; mais chacun n’est pas de cette opinion. – Ceux qui le jugent autrement, dit-il, ressemblent à ces anciens qui croyoient l’eau et le gland estre la meilleure et plus douce nourriture de l’homme, parce qu’ils n’avoient esprouvé ni le vin ni le bled, et maintenant nous tenons que l’eau et le gland ne sont que pour les bestes : de mesme, quand ils auront esprouvé les douceurs ou les amertumes d’amour, ils avoueront que tout le reste n’est rien. – Et croyez-vous, continua Leonide, que Diane n’ait rien aimé, ou qu’elle n’ayme rien encores ? – Je ne sçay, respondit Lycidas, ce qui est du passé ; mais pour cette heure je croy qu’elle laisse toute l’amour aux autres. – Vous me dites, repliqua Leonide, de mauvaises nouvelles pour Paris. – Voilà que c’est, dit le berger, que de la sottise de nos villages ; si ne puis-je penser que Diane ressente avec amour, l’honneur que Paris luy fait. Toutesfois, si j’estois deceu, je ne serois pas le premier trompé au jugement des femmes. – Or bien, dit Leonide, laissons Diane pour ce coup, car si elle n’ayme point encore, ne doutez que sa fortune ne l’attende, et dites-moy quelle est celle qui est faschée ? – C’est Astrée, respondit Lycidas, car Phocion qui est avare, et qui ne songe, suivant