Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/804

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fortune de n’en point eschaper. – Ha ! bergere, reprit Calidon, ne croyez point que j’aye oublié l’injuste jugement de l’impitoyable nymphe (pardonnez-moy, madame, dit Lycidas, si j’use des mesmes mots du berger interessé) le souvenir m’en est trop douloureux pour l’oublier. Ne pensez non plus que j’aye opinion que Teutates n’ait memoire de ce que je juray ; mais n’estimez pas aussi que je tienne que le guy de l’an neuf ny l’œuf des serpents me soit salutaire, puis qu’en vous perdant il n’y a plus rien au monde dont je me soucie. – Encores devez vous redouter, dit-elle, la justice des dieux apres vostre mort. – Ils ne sçauroient, respondit-il, me donner plus de mal que j’en souffre en vie, et sçay bien qu’ils n’ont point de plus cruels supplices que ceux que j’endure. Mais ne croyez toutesfois que je sois si peu juste observateur de ce que j’ay promis ; car si vous avez bonne memoire, je dis que je voulois que jamais le guy de l’an neuf ne me pût estre salutaire, et que si je rencontrois l’œuf soufflé des serpents, je priois Teutates qu’il les animast de sorte contre moy, qu’ils me fissent mourir, si je n’observois le jugement de la nymphe tant que je vivrois. – Et bien, dit-elle, n’y contrevenez-vous pas par les paroles, que vous me venez de dire ? – Nullement, respondit-il, car j’ay mis une condition qui m’en empesche. – Et