Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/805

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quelle est-elle ? dit Celidée. – Que je n’y contreviendrois point, dit Calidon, tant que je vivray et ne voiez-vous pas que je mourus dés lors que cette ordonnance fut faite, si pour le moins, la vie est un bien ? car dés ce moment malheureux, je perdis non seullement toute sorte de bien, mais toute esperance mesme de quelque bien. Que si toutesfois vous appellez vivre que de languir comme je faits, dans peu de nuicts je laisseray sans doute ce que vous nommez vie ; que si entre cy et là je contreviens à ce que j’ay juré, je veux bien que le guy de l’an neuf ne me seve de rien, aussi bien n’esperé-je pas de le voir jamais, outre que sans vous rien ne me peut estre salutaire, et je mourray bien tost, si les dieux veulent exaucer les vœux du plus desolé homme du monde. – Et quel advantage esperez-vous, dit-elle, en mourant ? – J’attends, dit-il, toute ma felicité, puis qu’il me sera permis de vous aymer, sans offencer ny Thamire ny les dieux, ny vous que je redoute davantage. Mais cruelle bergere, quel dessein vous conduit vers moy ? Est-ce point pour triompher encore une fois de Calidon, ou bien pour imiter ces cruels, qui ayant tué le miserable qui ne se deffend point, en viennent voir le corps pour considerer combien grandes et diverses en sont les blesseures ? – Ce n’est point ce sujet, desolé berger, dit-elle, qui me conduit, mais pour essayer de vous divertir