Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/808

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apprend que Calidon est mort. Il aimoit ce neveu autant que s’il eust esté son fils, si bien qu’à ces premieres nouvelles, il faillit de tumber de sa hauteur sur le plancher, mais estant soustenu par quelques-uns des siens, ce fut tout ce qu’il peut faire que de se remettre au lict avec l’ayde de ceux que le tenoient. Aussi tost qu’il fut couché, il demeura sans poux, et peu à peu devint froid, et en fin s’il n’eust esté secouru, il luy en fut autant advenu qu’à Calidon ; mais les divers remedes qu’on luy fit, et le soing que Celidée en eut, l’en empescherent. Qui eust veu ceste belle et jeune bergere toute eschevelée, et à moitié vestue, fondre en larmes sur le visage de Thamire, lors que peu à peu il alloit deffaillant entre ses bras, et n’eust esté touché de pitié, eust eu sans doute une ame, ou un cœur de rocher. On dict qu’on ne vit jamais rien de plus beau, et sembloit que les nonchalances de son habit, et le peu de soing qu’elle avoit d’elle-mesme adjoustassent une grace extresme à ses beautez. Tant y a qu’elle fit revenir Thamire, et le pressant entre ses bras à moitié nuds, et se coulant sur sa bouche avec un ruisseau de pleurs, ne pouvoit le caresser assez à son gré.

Mais le pauvre berger estant presque devenu insensible à toute autre passion qu’à celle de la perte qu’il pensoit avoir faite, repoussant doucement Celidée, et tournant la teste à costé, recevoit ses baisers si froidement qu’il sembloit qu’ils luy fussent