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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/813

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Et vous, ma fille, dit-il, qui voyez combien vous estes aimée de Calidon, sera-t’il possible que vous ne changiez jamais de volonté envers luy ? Ny son affection, ny ses merites, ny mes prieres ne pourront-elles jamais rien envers vous ? Sera-t’il vray que Celidée soit née pour faire mourir Calidon, et Thamire, et d’amour et de regret ?

Celidée toute en pleurs vouloit respondre, lors que Calidon reprit la parolle ainsi : Il ne faut pas, mon pere, que l’ordonnance du Ciel, et ce qu’il a pleu à ceste belle d’ordonner de moy soit autrement qu’il est. Teutates sçait mieux ce qu’il nous faut que nous-mesmes. Il n’est pas raisonnable que deux personnes qui meritent toute sorte de bon-heur, comme font Thamire et Celidée, changent de fortune pour le plus infortuné qui fut jamais entre les hommes. Et quant à moy, je proteste entre vos mains, et appelle le Ciel et la Terre pour tesmoins, que je ne veux point contrevenir au jugement qu’il a pleu aux dieux de faire de nous par la bouche de la nymphe. – Et que signifient donc, dit Cleontine, ces plaintes, ces pleurs, et ces esvanouissements ? – Ce sont, respondit Calidon, des tesmoignages que je suis homme. Mais comme les bons mires n’ostent pas la main de la blesseure, encore que le patient s’en plaigne, voire en crie, de mesme vous ne devez tous laisser de mettre fin à ce qu’il a pleu à Teutates d’ordonner en ceste affaire, et je ne