toute la troupe de se retirer, et Calidon faisant apporter un lict dans la chambre de Thamire, ne le voulut plus abandonner. D’autre costé, Thamire avoit tant de satisfaction de l’amitié que son nepveu luy faisoit paroistre, qu’il le vouloit tousjours avoir pres de luy.
Il n’y avoit que Celidée qui fust bien en peine, car elle ne vouloit declarer sa deliberation à personne, de peur d’y estre contrariée, et toutesfois elle ne sçavoit par quelle moien y parvenir. Elle avoit fait un dessein bien different de celuy de toutes les filles, parce que cognoissant que la beauté de son visage estoit cause de l’amour que l’oncle et le neveu luy portoient avec tant de passion, et considerant que c’estoit la seule occasion du divorce qui estoit entre-eux, elle resolut de se rendre telle qu’ils fussent à l’advenir autant refroidis par sa laideur, qu’ils avoient esté eschauffez par sa beauté ; esperant par ce moyen de remettre Calidon en son bon sens, et de rendre preuve à chacun qu’ell n’avoit jamais consenty à ses folies. Lors qu’elle y eust longuement pensé, ne pouvant se resoudre au fer, à cause du sang et de la cruauté, à quoy son courage ne pouvoit consentir, outre qu’il luy sembloit que les coupures se guerissent, et que ce seroit tousjours à recommencer, elle s’addressa à la mere de sa nourrisse, et la tirant à part, luy fit entendre qu’elle avoit une si extréme animosité contre une bergere, sa voisine, qui l’avoit