Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/819

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vous vous remettiez en luy, car jamais personne ne fut refusée, quand c’est avec une bonne et pure intention qu’on le supplie.

Cleontine vouloit continuer, mais Celidée qui, sans y penser, s’estoit mis la pointe du diamant dans la main, se print à crier de la douleur que l’esgratigneure luy avoit faicte ; dequoy la bonne femme surprise : Qu’avez-vous ? dit-elle, ne vous estes-vous pas blessée de ce diamant ? – C’est peu de chose, respondit Celidée, mais la douleur m’a contrainte de crier. – Vous pensez, dit Cleontine, que ce soit peu de chose ; si vous trompez-vous fort, car jamais la marque ne s’en va, et mal-aisément en peut-on guerir. Et lors, luy prenant la main, et voyant qu’elle estoit fort esgratignée : Croyez, luy dit-elle, Celidée, que vous estes marquée pour vostre vie, et que si cela vous estoit advenu au visage, vous seriez gastée. – Comment, dit Celidée, le diamant est-il si venimeux ? – Jamais, dit-elle, sa marque ne s’en va depuis que le sang en sort, et c’est pour ce suject que je la laisse quand j’entre au lict. Il seroit mal-aisé de dire le contentement que receut ceste jeune bergere, ayant appris ce secret, luy semblant que Dieu le luy avoit enseigné exprés pour achever ce qu’elle avoit desseigné. Quelle resolution, Madame, est celle que je vous vay raconter de ceste jeune fille !

Il y avoit desja cinq ou six jours que Thamire en tombant s’estoit blessé,