Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/820

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comme je vous ay dit, et sa plaie n’estant pas dangereuse, elle commençoit d’estre presque guerie, de sorte qu’il n’en tenoit plus la chambre. Celidée qui n’attendoit que sa guerison, pour sortir de la promesse qu’elle avoit faite, et de laquelle Calidon, et Thamire la sommoient, leur dit, d’un visage assez joieux, que le lendemain elle les contenteroit tous deux.

Dés le soir, quand sa tante fut couchée, elle desroba la bague dont elle s’estoit blessée, et feignant de se retirer pour se desabiller, chacun s’alla coucher. Au contraire, elle entra dans un petit recoing où elle avoit accoustumé de demeurer seule quand elle vouloit s’abiller ou desabiller, et ayant bien serré la porte, elle s’assit prés d’une table où elle avoit un miroir, duquel les jours des grands sacrifices et des assemblées generales, ou festes publiques, elle avoit accoustumé de se servir, pour ageancer son visage. Aussi tost qu’elle y jetta les yeux dessus : Ah miroir ! dit-elle, de qui je soulois prendre conseil, avec tant de soing et de vigilance, pour accompagner et augmenter la beauté de mon visage, combien est changé ce temps-là, et combien est differente l’occasion qui me faict à cest-heure te demander conseil ! puis que si autresfois j’ay jetté les yeux sur toy, pour me rendre belle, j’y viens maintenant pour sçavoir comment je me puis priver de ceste beauté que j’ay eue si chere ! Et à ce mot ouvrant