Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/821

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le miroir, et considerant son visage tout couvert de pleurs : Ce seroit, dit-elle, estre bien inhumains, mes yeux, si vous ne pleuriez la prochaine perte de ceste beauté qui autrefois vous a rendus si contents, et plains de joye, quand glorieux d’une si chere et aimable compagne, il ne vous sembloit point de veoir un autre visage, qui se pust esgaler au vostre.

Et puis demeurant quelque temps sans parler, et considerant particulierement sa beauté et sa grace, la juste proportion de ses traits, le vif et doux esclair de ses yeux, l’esclat de son teint, les attraits de sa bouche, bref, tout ce qui estoit d’agreable en son visage. J’entens bien, dit-elle, ô mes chers et rares thresors, ce que vous me voulez dire, mais helas ! continuoit-elle en souspirant, que me vaut cela, si je ne puis vivre contente en vous conservant ? Je sçay bien que vous me representez que ceste beauté que j’ay tant cherie, et qu’autrefois j’ay estimée mon souverain bien, me reproche une grande legereté de m’en vouloir priver, avant presque que de la posseder. Je ne suis pas sourde aux supplications que je me fais à moy-mesme de ne me point apauvrir de ce que chacun recherche avec tant de desir. – Mais quand je vous accuseray devant la raison d’estre cause de toute la peine que j’eus jamais, quand je vous blasmeray de la dissention de l’oncle et du neveu, voire quand je vous diray coupables de leur sang et de