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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/822

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leur prochaine ruine, et peut-estre de leur mort, que direz-vous pour vostre deffence, et qu’alleguerez-vous pour montrer que je vous doive conserver et retenir ? Que c’est une douce chose que d’estre belle ! Mais combien plus amers sont les effects qui s’en produisent, et qu’il m’est impossible d’éviter en vous conservant. Quoy donc, que l’amour suit la beauté, et que rien n’est plus agreable que d’estre aimée et caressée ? Mais combien plus desagreables sont les importunitez de ceux que nous n’aimons point, et les soupçons de ceux à qui nostre devoir nous oblige d’estre, et de nous reserver entierement. Ne dis-tu pas qu’au lieu que chacun m’adoroit belle, chacun me mesprisera laide ? Tant s’en faut, cette action si peu accoustumée me fera admirer, et contraindra chacun de croire qu’il y a quelque perfection cachée en moy, plus puissante que ceste beauté qui se voyoit. Et puis, ce que je desseigne de faire, n’est que de devancer le temps de fort peu de moments, car cette beauté dont nous faisons tant de conte, combien de lunes me pourroit-elle demeurer encores ? Fort peu certes, et quelque soin et quelque peine que j’y rapporte, il faut que l’aage me la ravisse, et ne vaut-il pas mieux que pour une si bonne occasion, nous nous en despouillons nous-mesme volontairement, et la sacrifions au repos de Thamire, que j’aime, et que j’