Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/827

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demeura plus estonné encores que n’avoit esté Thamire ; et se mettant la main sur les yeux, et tournant la teste de l’autre costé, il luy fut impossbile d’en souffrir la veue, frissonnant comme une personne qui a horreur de ce qu’il voit. Elle, au lieu de s’en fascher, d’un courage incroyable, sousrit de cette action, et tendant encor une fois la main à Thamire : Et bien, amy, luy dit-elle, ne vous sera-ce pas du contentement de me voir tout à vous, et que personne n’y pretende ou n’y desire plus rien ? Aurez-vous horreur de ce visage deschiré de cette sorte, quand vous considererez qu’il n’est tel que pour estre à vous seul ? Je ne le pense pas, Thamire, et veux croire que l’affection que vous m’avez portée, et la cognoissance de celle que vous avez receue de moy, ont trop de puissance, et sont plantées sur un plus seur fondement que celuy-là. Et parce que je vous vois tous en peine, et desireux de sçavoir qui m’a mise en l’estat où vous me trouvez : Sçachez, Thamire, que c’est Calidon. Et vous, Calidon, dit-elle, se tournant vers le jeune berger, sçachez que c’est Thamire. – Quoy ! nous vous avons mise en cet estat ? s’escrierent-ils tous deux ! – Ouy, dit-elle, froidement, c’est Thamire et Calidon qui ont fait cet outrage à Celidée ; mais ayez un peu de patience, et oyez comment.

Chacun à ces paroles demeura estonné, mais sur tous les deux bergers. Et lors que Calidon vouloit parler,