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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/828

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elle l’interrompit de ceste sorte : Ne vous excusez point, Calidon, de ce qui m’est advenu, car encor que Thamire et vous, en soyez cause, si est-ce que vous l’estes beaucoup plus que luy. Et lors, addressant sa parole à tous, elle continua : Il n’y a personne qui me cognoisse, qui ne sçache quelle a esté l’amour que Thamire m’a portée dés mon enfance, et qu’il semble que dés que j’ouvris les yeux dans le berceau, j’ouvris son cœur pour y faire entrer l’affection, que depuis il m’a tousjours continuée. Or ceste amour fut reciproque entre nous, aussi tost que je fus capable d’aimer, et en donnay tant de cognoissance à ce berger, que je pense que, comme sa recherche me convia de l’aimer, la bonne volonté qu’il recognut en moy luy donna sujet de continuer. Et d’effect, combien heureusement avons-nous vescu ! et avec combien de contentement ! jusques à ce jour malheureux, que Calidon, revenant des Boïens, jetta les yeux sur moy.

Thamire, à qui les blesseures ne peuvent empescher la parole, le peut mieux raconter que je ne sçaurois ; tant y a que nous pouvons dire l’un et l’autre avec verité, que jamais amant ne fut mieux aimé, ny aimée plus amante, que Thamire et Celidée. Mais dés que Calidon me vid, je puis bien dire, malheureusement, sans l’offenser, ce bien que nous avions possedé si long temps, commença de se diminuer, premierement par sa maladie, et