Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/829

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puis par le don que Thamire luy fit de moy, auquel je ne pus jamais consentir. Il est vray qu’apres avoir longuement supporté la froideur de Thamire, et la vaine affection de Calidon, je me dépitay contre tous deux, me semblant que c’estoit avec raison, puis que Calidon m’avoit fait perdre Thamire, et que Thamire m’avoit sans beaucoup de sujet remise à Calidon. Et lors que j’estois la plus eslongnée de tous deux, je me vis entierement redonnée à Thamire, par le jugement de la nymphe Leonide, à laquelle nous en avions donné toute puissance. Je pensay certes, que c’estoit la volonté de Teutates, qui me la faisoit entendre par sa bouche, et me resolus de la suivre entierement ; et lors que j’estimois que la raison avoit le plus eslongné Calidon de moy, fust pour le commandement de la nymphe, fust pour le devoir qui l’obligeoit envers Thamire, le voilà qui se desespere, et qui veut mourir. D’autre costé le bon naturel de Thamire, ne luy permettant de gouster quelque sorte de plaisir, voyant son neveu en cette peine, se laissa tellement emporter à l’ennuy, que sans faire conte du contentement qu’il pouvoit avoir de moy, qu’il avoit desirée et recherchée avec tant de passion, il me laissa seule dans le fict, et me fit bien paroistre que l’amitié est plus forte en luy que l’amour. Je demeuray estourdie de ceste rencontre, comme mon affection me l’ordonnoit, et lors que j’estois attentive à considerer