Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/832

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de fortune ayant appris de ma tante que les blesseures que le diamant fait, ne guerissent jamais, j’ay bien voulu sacrifier la beauté de mon visage, si toutesfois il y en a eu, à vostre repos et à vostre reunion. Mais, ô mon Thamire, cesserez-vous d’aymer Celidée, encor qu’elle n’ayt plus le visage qu’elle souloit avoir, puis qu’elle a bien voulu le donner pour rançon, et pour se racheter des desirs de Calidon, afin d’estre toute vostre ?

Celidée finit de ceste sorte, laissant tous ceux qui l’ouyrent si plains d’estonnement, et de merveille, de cette genereuse action, qu’à peine pouvoient-ils croire que ce qu’ils voyoient fust vray.

Il seroit trop long de redire maintenant les reproches que Calidon luy fit, le desplaisir de Tahmire, ny les regrets de Ceontine, et de la mere de Celidée, et de tous ceux qui la consideroient : tant y a que les mires estant venus, et luy aiant nettoié le visage, jugerent que jamais elle ne retourneroit en son premier estat, car les plaies estoient si profondes et en des lieux si delicats qu’elles luy ostoient toute la grace, et la proportion qui souloit y estre. Il est avenu que veritablement, Calidon la voyant si difforme, a perdu ceste folle passion qu’il luy portoit, et que Thamire, ainsi qu’elle esperoit, a continué de l’aimer, si bien qu’elle a depuis vescu en repos, et tellement honorée et estimée de chacun, qu’elle jure n’avoir receu de sa beauté en toute sa