Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/844

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point au monde pour vous, et que de ceste sorte vous perdiez tellement la memoire de moy, que quand par malheur vous me verrez, vous ne pensiez pas mesme à moy. – Or voyez, respondit le berger, combien nous sommes de differente humeur: c’est à cette heure que je devois parler à vous, et que je vous veux dire chose, qui vous fera peut-estre juger que Silvandre est plus vostre serviteur que vous ne croyez pas.

Et lors, se tournant vers Astrée, il la pria et supplia de sorte qu’elle fit asseoir Phillis aupres d’elle. Non pas, dit-elle, en s’y mettant, que ce soit pour vous ouyr, mais seulement pour ne desobeyr à celle qui me l’ordonne ainsi. Luy, sans respondre à ses parolles, recommença de cette sorte: Je croy, Phillis, que vous ne me tenez pas pour sçavoir si peu des affaires du monde, que vous ayez opinion que je n’aye jamais ouy parler de l’amitié qui est entre vous et Lycidas. Que s’il estoit autrement, et que vous eussieuz volonté que je vous en disse des paricularitez, peut-estre seriez-vous estonnée que j’en aye tant sceu, et que j’en aye fait paroistre si peu, et lors vous ne jugeriez pas que ce Silvandre à qui vous voulez tant de mal, fust si peu vostre serviteur que vous le pensez. Tant y a, bergere, qu’apres l’avoir sceu de ceux qui sont les plus curieux des affaires d’autruy, en fin je l’apris de vostre bouche mesme, et de celle de Lycidas. Vous ressouvenez-vous point qu’un soir vous