donc non plus empescher la naissance de ceste jalousie que vous, et quant au progrez, je pense vous y avoir infiniment obligée, parce que si, dés lors que je vous en eus parlé, je me fusse retiré de vous, ou que j’en eusse usé plus froidement, qu’eust-il pensé, ou pour le moins qu’eust-il deu penser ? Que si je m’en élongnois et si je vivois d’autre sorte que de coustume, c’estoit pour le tromper, et que nous estions en bonne intelligence ensemble, comment se fust-il imaginé que j’eusse sceu ceste jalousie que par vous, puis qu’il n’en avoit parlé qu’à vous ? Et s’il eust eu opinion que vous me l’eussiez dite, n’eust-il pas jugé avec raison qu’il y avoit une grande amitié entre nous ? Et ce moyen pouvoit amortir ou alumer d’avantage sa jalousie. Croyez, Phillis, qu’il a esté beaucoup plus à propos que j’aye continué de vivre comme j’avois commencé, puis qu’il a deu connoistre par là qu’il n’y avoit point d’intelligence entre nous, voyant que vous ne m’en aviez point averty, ny point d’amour, d’autant que je ne me cachois de personne, la dissimulation en estant un des plus grands signes.
A ce mot, estant resolu de la doute où j’avois esté si long temps, et cognoissant qu’il n’y avoit point d’amour entre eux, je m’escriay : Ah ! Phillis, que Silvandre sçait bien aymer, et qu’il parle avec beaucoup de verité. Et faisant le tour du buisson, je vins courant me jetter à genoux devant elle, dequoy elles furent