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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/850

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toutes deux si estonnées, que se prenant par les mains, elle demeurerent comme ravies. Quant à moy, plus content de ma fortune que je n’avois jamais esté, je ne sçavois par quelles paroles commencer pour remercier Amour de ceste faveur. En fin m’addressant à elle, je parlay de ceste sorte : Ma belle bergere, si vostre amitié a esté assez forte pour ne se point rompre sous la pesanteur de ma faute, je m’asseure qu’elle le sera encor assez pour vous plyer plustost au pardon qu’à la vengeance. Voicy ce Lycidas qui par ses soupçons vous a tant offencée, mais le voicy maintenant qui vous crie mercy, qui vous demande pardon sans refuser chose que vous luy ordonnez, pourveu que vous oubliez ceste offence.

Je tins encore quelques autres semblables propos, ausquels sans faire responce elle tourna la teste de mon costé, mais sans me regarder tenoit les yeux contre terre. Et parce que je m’estois teu, et qu’elle ne parloit point, Silvandre voulant estre en partie cause de mon contentement, comme il l’avoit esté de mon desplaisir : Ainsi, dit-il, bergere, que j’ay esté tesmoin que sans sujet Lycidas a eu de la jalousie, de mesme le seray-je que vous avez plus de vengeance que d’amour, si vous ne recevez la satisfaction qu’il vous fait. Il n’est plus temps de consulter en vous mesme, ce que vous devez faire : le devoir où il se met, le vous dit, son affection le vous requiert, et vostre ancienne amitié le vous