Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/851

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commande. – Ma sœur, adjousta Astrée, Silvandre vous dit vray, et devez outre cela croire asseurément que c’est plustost excez, que deffaut d’amour qui a fait commettre cette erreur à Lycidas ; et de plus, que s’il a faict la faute, il en a bien fait la penitence. Alors Phillis levant les yeux lentement contre moy : Lycidas, dit-elle, vous m’avez tellement offencée, qu’il est bien mal aisé que je n’en aye longuement le souvenir. Toutesfois, puis qu’Astrée me l’ordonne, je veux bien vous pardonner, mais avec serment que s’il vous avient jamais de retomber en semblable faute, vous devez perdre à jamais toute esperance de mon amitié. Et quoy, Lycidas, continua-t’elle apres d’une voix plus forte, vous semble-t’il que les asseurances que jusques icy vous avez receues de ma bonne volonté soient si petites qu’il en faille douter si aisément ? Quelle si grande cognoissance avez-vous eue de ma facilité, ou de ma legereté, que vous puissiez croire que j’ayme et reçoive tous ceux qui me regardent ?

Elle eust continué sans doute, car je ne sçavois que luy respondre, n’eust esté qu’Astrée l’interrompant : C’est assez, ma sœur, luy dit-elle, vous ne sçauriez en dire tant que vous n’ayez encor occasion de vous plaindre davantage. Mais ressouvenez-vous que c’est ce Lycidas à qui vous avez bien rendu de plus grandes preuves d’amitié que ne sera pas le pardon que son silence et sa soubmission vous demandent ; et que, si vous le luy refusez,