Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/852

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vous ne ferez une petite offence à vostre vie passée. Phillis, apres avoir esté muette quelque temps, en fin adressa sa parole de ceste sorte à sa compagne : Je le veux, ma sœur, je pardonne non seulement l’offence, mais la veux entierement oublier, pourveu qu’à l’advenir il ne me donne jamais occasion de m’en souvenir.

Voilà, madame, comme je fus guery, voilà comme ma faute fut pardonnée, et voilà comme je rentray en mon premier bonheur, et depuis nous avons vescu, Silvandre et moy, avec tant de familiarité, qu’il est l’homme que j’ay jamais le plus aymé, apres mon pauvre frere. – Et n’avez-vous point de peur, adjousta Leonide, que l’ordinaire veue de Silvandre et de Phillis ne vous donne la mesme jalousie que vous avez eue ? Cela n’est pas sans danger, puis que celuy qui ayme est de sa nature merveilleusement subject au soupçon. – Deux raisons, dict Lycidas, m’en empescheront tousjours : l’une, que j’ay trop d’asseurance de l’amitié de Phillis, et l’autre, de l’amour que Silvandre porte à Diane, qui sans mentir est telle qu’elle ne sçauroit souffrir une compagne. Mais je vous supplie, grande nymphe, de n’en vouloir point parler, car il auroit occasion de se douloir de moy, qui vous aurois decelé ce qu’il s’efforce avec tant d’artifice de tenir caché ; et mesme que pour avoir permission de parler à sa bergere sans qu’elle s’en puisse offencer, il a fuy jusques icy