Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/853

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le jugement qu’elle s’en puisse offencer, il a fuy jusques icy le jugement qu’elle doit faire de son merite, et de celuy de Phillis, luy semblant que tant qu’il le pourra eviter, il luy sera permis de luy dire combien il l’ayme, car il y a plus de huict ou dix jours que les trois lunes sont escoulées.

Ainsi discouroient Lycidas et Leonide, cependant que Hylas entretenant Alexis ne se prenoit garde, que peu à peu il en devenoit amoureux. Et elle qui avoit opinion que cela luy serviroit à se faire mieux croire Alexis, luy donnoit à dessein toute l’amour qu’elle pouvoit ; car encores qu’elle ne l’eust jamais veu, si avoit-elle esté advertie par Leonide et Paris de son agreable humeur. Et comme s’il eust voulu rendre une bonne preuve de ce qu’il estoit, sans en laisser plus longuement en doute ceux qui ne le cognoissoient point, il s’escria tout à coup en frappant des mains, et se les frottant l’une en l’autre : C’en est faict, Phillis, je vous dis adieu. Ceste belle nymphe vous ravit ce que l’amour vous avoit acquis ; et tout ce que je puis faire, c’est de vous donner le congé que je prens pour moy.

Silvandre et Corilas, oyant ceste prompte resolution, ne peurent s’empescher, voyant qu’Alexis de force de rire ne pouvoit prononcer un seul mot, de prendre le party de Phillis, pour luy donner occasion de commencer quelque agreable discours. – Et quoy, berger, luy dit Corilas, donnez-vous de ceste sorte