Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/854

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congé à la belle Phillis ? Comment pensez-vous qu’elle puisse estre consolée de ceste perte ? C’est bien ce jour qu’entre tous les siens elle doit marquer de noir. – A son dam, respondit Hylas tout froidement, pourquoy n’est-elle pas aussi belle qu’Alexis ? – O dieu ! repliqua Corilas, et qui sera celle à l’avenir qui pourra estre asseurée de vostre amitié ? – Ceste belle nymphe, respondit-il, qui est plus belle que Phillis. – Mais, adjousta Corilas, n’a-t’elle pas en Phillis une bonne preuve de vostre legereté ? – Non pas cela, dit-il, mais ouy bien, un grand tesmoignage de sa beauté. – Si est-ce, respondit Corilas, que Phillis n’est pas laide. – Si m’advouerez-vous, dit-il, qu’elle a moins de beauté qu’Alexis, puis qu’elle luy cede sa place. – Quelquefois, respondit Corilas, on la quitte parce qu’on s’y fasche, ou qu’on espere mieux. – Pour s’ennuyer de moy, repliqua l’inconstant, il est impossible à Phillis, car elle a trop de jugement, et pour esperer mieux elle ne sçauroit, et puis est-ce elle, à vostre advis qui me quitte, ou si ce n’est point moy qui luy donne son congé ?

Silvandre estoit demeuré muet assez long temps, mais voyant que Corilas ne respondoit plus, il prit la parole pour luy. Ce n’est, dit-il, ny defaut de beauté en Phillis, ny congé que ce berger luy donne que la retraitte qu’il a fait, mais la naturelle inconstance qui est en luy. – C’est bien dit, repondit Hylas : appellez-vous inconstance de parvenir pas à pas où l’on