Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/856

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est pourquoy en quelque aage que nous soyons, nous aymons tousjours quelque chose : estant enfans, les pouppées, estant hommes, les hommes, et quand nous sommes vieux, les richesses et ceux qui nous peuvent estre utiles. – Et par là, dit Hylas, vous voulez conclure, Silvandre, que je ne devois avoir rien aymé jusque icy ? Et bien ! je le vous accorde, j’ay esté en erreur, mais ne m’advouerez-vous qu’aymant à ceste heure ceste belle nymphe, je fay pour le moins ce que je doy, et que tant s’en faut que par ceste derniere action je doive estre blasmé, que toutes mes fautes passées en demeurent couvertes entierement ? – Tout ainsi, respondit Silvandre, que vous avez failly par le passé en aymant ces beautez que vous ne deviez pas, aussi faillez-vous à ceste heure d’en aimer une que vous ne meritez pas ; et comme par vos premieres actions vous avez acquis le nom d’inconstant, ces dernieres vous donneront celuy de temeraire.

Alexis s’estoit teue quelque temps, prenant plaisir aux discours de ces bergers ; mais quand elle s’ouyt si fort louer, elle fut contraincte de reprendre ainsi la parole : Si je merite autant, gentil berger, l’amitié de Hylas, que de bon cœur je la reçoy, soyez certain qu’il n’aura peu d’occaion de m’aymer, ny moy peu de moyen de recognoistre sa bonne volonté. Et se tournant toute riante vers Hylas :