Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/872

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degré de leur félicité, lors que la fortune fit ressentir à ceste sage princesse, qu’elle avoit bien fait tréve avec elle pour quelque temps, mais non pas la paix. Car sur le point que son cher mary preparoit une grande armée pour remettre entierement l’Espagne sous l’empire, il fut atteint d’une si violente maladie, qu’en peu de jours il mourut, donnant bien par là cognoissance que la fortune ennemie de la vertu, la laisse en repos le moins qu’elle peut. Il est vray que d’autant que le Ciel permet bien que le vertueux soit travaillé mais non pas accablé, ceste sage princesse eut de grandes consolations, en ce que sa perte qui fut commune fut aussi plainte, et regrettée d’une commune voix par tout l’empire, et que le regrets estoient meslez de tant de louanges, que jamais prince n’en receut davantage. Mais sur toutes la consolation fut tres-grande des deux enfans que son mary luy avoit laissez, qu’elle fit eslever, et instruire le plus soigneusement qui luy fut possible.

Il y avoit en ce temps-là, dans l’armée, un tres-sage et vaillant capitaine, qui se nommoit Ætius, fils de ce Gaudens, qui fut tué en Gaule par les soldats. J’advoue que je suis partial pour luy, parce qu’ayant fait la guerre fort long temps dans les provinces voisines, nous n’avons jamais receu incommodité de luy ny de ses