Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/898

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quelque secours; d’autres saisissoient des racines et demeuroient attachez par les bras sans en pouvoir partir; d’autres entre les mains desquels les racines demeuroient rompues tomboient en la mer, que l’onde en se retirant raportoit en arriere. Quelques uns nageoient sur des tables, d’autres sur des tonneaux, et autres choses semblables, mais la plus grande partie s’en noya.

L’une des plus grandes compassions que je vis, fut de plusieurs ; femmes qui n’avoient autre recours qu’aux cris. J’advoue que cette compassion me toucha de sorte que, estant à moitié desabillé, je me hastay de me mettre nud, et faisant, pour secourir ces pauvres gens, ce que j’avois fait si souvent pour mon plaisir, encore que le hazard y fust grand à cause du soulevement des ondes et de la force du vent, je sautay du rocher dans la mer. Et estant revenu sur l’eau, et jettant la veue autour de moy, j’aperceus deux femmes qui embrassées alloient roulant sur l’eau, n’y ayant rien qui les empeschast d’enfoncer que leurs robes qui toutesfois peu à peu commençoient de s’appesantir. J’en pris une par les cheveux, et nageant de l’autre main, je les tiray toutes deux à bord, où les laissant à moitié mortes, je me rejettay dans l’eau pour secourir deux hommes dont l’amitié m’esmeut de compassion, parce qu’il y en avoit un qui sçavoit nager, et avoit mis l’autre sur son dos pour le sauver; mais la