Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/899

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charge estoit si pesante, ou celuy qui estoit dessus qui estoit le plus jeune, avoit de sorte lié et serré le col de son amy de peur de tomber, que le nageur n’ayant ny force ny haleine, s’estoit desja enfoncé deux ou trois fois dans l’eau. Je survins donc tout aupres pour les secourir, et prenant d’une main celuy qui ne sçavoit nager, je le soulevay un peu, et donnant courage à l’autre, il reprit force, et se voyant assisté de moy, me fit signe que son amy luy ostoit le souffle; qui fut cause que luy desserrant un peu la main, quoy qu’avec grande peine, il commença de respirer. Et parce que je n’osois guere m’approcher d’eux, de peur qu’ils ne me prissent les bras ou les jambes, je me tenois un peu à costé, et de fois à autre leur donnois du pied, les poussant contre la terre. Dieu m’assista si bien que je les mis en fin sur le bord. A mon exemple tous mes compagnons en firent de mesme, de sorte que nous en sauvasmes plusieurs, mais si mal menez de ceste fortune qu’ils demeuroient estendus sur le bord de la mer comme s’ils eussent esté morts. Et parce que j’eus opinion que Dieu me commandoit d’avoir particulierement soing de ceux que j’avois retirez du naufrage, apres avoir repris mes habits; je les vins retrouver et leur donnay tout le secours qu’il me fut possible. Et la fortune voulut que apres avoir rejetté une partie de l’eau qu’ils avoient avalée, ils commençoient de se