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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/900

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bien porter, et mesmes les femmes qui avoient esté plus en danger.

L’obligation de ceux que nous avions retirez fut telle, qu’ils nous demanderent nos noms et de quelles gens nous estions; et quand ils m’ouyrent dire que je pensois estre Segusien ou Foresien: Dieu ! s’escria l’un d’eux, ceux d’une telle contrée sont destinez pour nous r’appeller de la mort ! Pour lors, je ne leur demanday pourquoy ils avoient ceste opinion, voyant bien que le temps n’estoit pas propre, puis qu’ils estoient encores si estonnez du naufrage, qu’ils ne faisoient que souspirer, joindre les mains, et tendre les yeux en haut pour le regret de la perte qu’ils venoient de faire. Et par ce qu’ils estoient presque tous nus, je fus d’advis que, avant que de les emmener en la ville, il leur falloit chercher des habits pour les couvrir, n’estant pas honeste de les conduire autrement. Je fus un de ceux qui eurent la charge d’aller en la ville où nous trouvasmes tant de personnes, qui pitoyablement nous secoururent, que nous en eusmes de reste. Ils furent apres separez dans les meilleures maisons des bourgeois qui, ayant compassion de leur accident, les receurent humainement.

Quant à moy, je priay les deux amis que j’avois sauvés, de se vouloir retirer avec moy parce qu’ils me sembloient personnes de merite. Nous ne pouvons, dirent-ils, nous separer de ces deux