Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/907

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Icare, qui tout deplumé se laissoit choir dans la mer. Ursace, me dit-elle, (c’est ainsi que l’on me nomme) qu’est-ce.que ces plumes esparses, et cest homme qui tombe d’en haut ? – C’est, luy dis-je, madame, un jeune homme qui porte d’un genereux courage, ne voulut pas se contenter de voler si bas que son pere, que vous voyez au dessous de luy; et par ce que ses ayles estoient jointes avec de la cire, la chaleur du soleil les fit relascher, et luy n’en estant plus soustenu, fut contraint de tomber, comme vous voyez. – Vrayement, me respondit-elle, il estoit bien inconsideré. – Mais, luy repliquay-je, il avoit un courage bien genereux. – A quoy luy servit-il, me dit-elle, puis qu’il ne le peust garantir de la mort ? – La mort, luy respondis-je, est peu de chose quand elle laisse une si belle memoire de nous. – Et quoy, me dit-elle, vous louez ceste action ? – Je la loue de sorte, luy dis-je, madame, que je ne refuseray jamais la mort pour une semblable gloire.

Elle pouvoit avoir douze ans, et moy quinze ou seize, aage peu capable encores de ressentir les traits d’amour, et toutesfois je n’en estois pas exempt, mais j’avois si peu de hardiesse que je n’avois osé luy en rien decouvrir. – Et quoy, me dit-elle, vous estimez donc bien peu vostre vie ? – C’est sans doute, madame, luy dis-je, qu’il y a plusieurs choses que j’estime beaucoup plus. – Et lesquelles entre autres, adjousta-t’elle, car il me semble