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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/919

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puis bien me taire, et mourir d’amour pour la belle Eudoxe. Et pour preuve de cela et à fin de ne vous ennuyer jamais des fascheuses paroles qui vous ont offencée, je vous jure par le tres-humble service que je vous dois, de ne vous en parier jamais. Mais ressouvenez-vous que toutes les fois que je m’approcheray de vous, et que je vous diray: bon jour, madame, ou que seulement je vous feray la reverence, ce sera à dire: je meurs d’amour pour vous, madame, et vous n’aurez jamais un plus fidelle serviteur que moy. Et quand je prendray congé, et qu’en vous saluant, je vous donneray le bon-soir, et me retireray, ce sera autant que si je vous disois : Jusques à quand ordonnez-vous que je sois miserable et combien encore durera vostre rigueur ? Et pour commencer, luy dis-je froidement, vous me permettrez de prendre congé de vous, et de vous donner le bon-soir. Et à ce mot, je fis une grande reverence, et me retiray, de peur qu’elle ne me defendist encores ces deux paroles, et toutesfois je pris garde qu’elle se tourna de l’autre costé en sousriant. Ce qui ne me donna point une petite esperance.

Or, gentil estranger, je vesquis depuis ce jour de ceste sorte avec elle, ne luy faisant jamais semblant de tout ce qui s’estoit passé, sinon par le bon-jour, et le bon-soir, ausquels quand elle n’estoit point veue, elle respondoit le plus souvent