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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/920

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en branlant la teste, comme si elle se fust encores offencée de ce souvenir que je luy donnois. Plus de six mois s’escoulerent que je continuay toujours de mesme façon, et qu’elle aussi s’opiniastroit de ne point recevoir mon affection. En fin je vainquis, mais aussi qu’est-ce que ne peut le service et la perseverance d’un amant avisé ?

Un matin que Valentinian la conduisoit au temple, je m’avancay, et luy faisant une grande reverence, je luy dis: Bon-jour, madame. Elle alors en sousriant, et se tournant vers moy: Vos bon-jours, Ursace, me dit-elle, sont receus de bon cœur. O Dieux ! pourrois-je dire quel fut le contentement que je receus ? Je proteste que jamais je n’esperay d’estre si heureux, et moins en ce temps-là que l’on parloit du mariage de Valentinian et d’elle. Et toutesfois, j’appris depuis, que ce que je croyois la devoir esloigner de moy, fut ce qui me l’obligea davantage, parce que voyant que l’affection qu’il portoit à Isidore s’augmentoit, et que celle qu’il luy faisoit paroistre, n’estoit que pour complaire à l’empereur, elle se resolut de ne l’aymer aussi que pour estre femme d’un empereur et de faire estat de mon service, comme Valentinian de l’affection qu’il portoit à Isidore. Je sceus ceste resolution peu apres, car des la premiere occasion qui se presenta, elle me dit que mon opiniastreté et l’affection de Valentinian envers Isidore, l’avoyent vaincue, et que si je continuois de vivre avec la mesme discretion, elle continueroit aussi de me