Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/924

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à propos, il revint en Constantinople, où il fut receu par Theodose, comme si c’eust esté son fils, et soudain à la solicitation de Placidie, qui estoit demeurée au gouvernement d’Italie, le mariage de la belle Eudoxe fut conclud avec luy.

Seroit-il bien possible que je vous peusse raconter ce que je ressentis en ceste occasion ? Je ne le croy pas, car je fus de sorte combattu de crainte et du regret que, sans Eudoxe, il est certain que je ne l’eusse peu supporter. Mais elle qui estoit sage et prudente, encore que de son costé elle fut fort affligée de se voir entre les mains d’une personne qu’elle n’aymoit point, si sur-monta-t’elle ce deplaisir avec la resolution. Et parce qu’elle voyoit bien en quelle peine je vivois, elle me donna commodité de parier à elle dans son cabinet, sans qu’autre y fust qu’Isidore, en qui elle se fioit infiniment. Elle estoit assise sur un petit lict, et je me mis sur un genouil devant elle, ayant dessous quelque carreaux qu’elle m’avoit fait apporter.

Et parce que ravy de contentement, je ne faisois que la contempler, et luy baiser la main qu’elle m’avoit permis de luy prendre, apres m’avoir consideré quelque temps, elle me parla de ceste sorte: Et bien, mon chevalier, vous plaindrez-vous toute vostre vie de moy, et serez-vous tousjours en doute de l’amitie que je vous porte ? – Ma belle princesse luy dis-je, si je n’avois accoustumé de recevoir de vous plus de faveurs que je