Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/925

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’en merite, vous auriez quelque raison de me faire ceste demande, à ceste heure que je reçois celle-cy qui veritablement est telle que je ne puis la redire. Mais pourquoy ne me permettez-vous de me plaindre de la fortune, qui m’ayant monstré le bien qu’elle pouvoit me donner, l’ordonne toutesfois à un autre de qui l’affection le merite aussi peu que la mienne pourroit estre digne de l’obtenir, si elle le pouvoit estre par un extreme amour ? – Mon chevalier, me respondit-elle, vivez content et asseuré de ce que je vous vay dire: tout ce qu’une extreme affection peut obtenir de moy, sçachez qu’Ursace le possede, et ce que vous regrettez qui soit à un autre, croyez moy, mon chevalier, que c’est ce qui se doit donner par devoir, et non point par amour; et cela estant, quelle raison avez-vous de vous plaindre de la fortune ? – La raison que j’en ay, repliquay-je, est aussi grande que l’obligation en quoy vous me mettez par ceste asseurance. Pourquoy, ma princesse, ne me plaindray-je pas d’elle qui ayant voulu favoriser mon affection, m’a toutesfois privé de ce qui seul me pouvoit faire parvenir au bien que je desirois. Ah ! mon chevalier me dit-elle, vous m’offencez. Comment ? vous ne m’avez aimée que pour avoir de moy ce que mon devoir vous refuse ? Et quelle m’avez-vous estimée ? Et comment m’avez-vous peu aymer si vous m’avez eue en si mauvaise