Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/927

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elle, avec un grand souspir, si vous sçaviez ce que je ressens en mon ame, et quelle est la contrainte que je me fais, vous croyriez bien qu’Amour a toute la puissance sur moy qu’il peut avoir sur un cœur. Mais si je vous refuse quelque tesmoignage de ceste puissance, ressouvenez-vous quelle je suis née et à quelles loix ma naissance m’oblige. Si la fortune m’avoit fait naistre d’un Leontin Athénien comme ma mere, je pourrois disposer de moy, aussi bien que de mon affection, mais estant fille d’un empereur Theodose, petite fille d’un empereur Arcadius, et ayant pour bisayeul Theodose le grand, ne voyez-vous pas que ceste naissance m’astreint, pour ne leur point faire de honte, à laisser la disposition de mon corps à ceux qui me l’ont donné ? C’est un tribut de l’humanité que de ne voir jamais ça bas chose qui soit entierement accomplie. Les grandeurs et les empires trainent inseparablement ceste contrainte que jamais, on ne s’apparie que par raison d’estat. Ny vous ny moy ne voyons rien de nouveau; il y a long temps que nous avons preveu qu’il nous adviendroit ce que nous ressentons, et quand je tournay les yeux sur vous, et que je vous aimay, ce fut avec ceste resolution que Valentinian seroit mon mary. Je m’asseure que vous avez pensé la mesme chose, dés le premier jour que vous fistes dessein