Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/928

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de m’aimer, et qu’est-ce donc qui vous afflige maintenant, et quel accident voyez-vous que vous deviez dire inopiné ?

Ces mots me toucherent si vivement, fut pour voir une si grande resolution que j’accusois de peu d’amitié, fut pour penser qu’un autre la possederaoit, qu’il me fut impossible de luy permettre de parler davantage sans l’interrompre: Vous croiez donc, luy dis-je, madame, que ce soit aimer que de retenir ces considerations ? Vous avez opinion que la vraye amour puisse estre subjecte aux loix du devoir ? O dieux ! que vous et moy sommes trompez ! Vous qui avez creu d’aimer et moy qui ay pensé d’estre aimé de vous ! Et là m’arrestant un peu, je repris de ceste sorte, lors que je vis qu’elle vouloit prendre la parole: Les loix d’amour, madame, sont bien différentes de celles que vous vous proposez, et si vous voulez cognoistre quelles elles sont, lisez-les en moy, et vous verrez que comme l’inegalité qui est entre nous ne m’a peu empescher d’eslever les yeux à ma belle princesse, de mesme ne vous doit-elle divertir de baisser les vostres vers vostre chevalier, n’y ayant pas plus de difference de vous à moy, que de moy à vous. Et quant à ce que vous m’alleguez de vostre naissance, puis qu’elle est telle que rien ne vous peut relever par dessus ce que vous estes, pourquoy au lieu de tourner vos yeux sur la grandeur, qui ne vous peut estre augmentée, ne les jettez-vous sur vostre