Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/948

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en ce mesme empire, pour une semblable occasion que celle-cy. O Dieu tout puissant ! jette plus- tost sur moy ton foudre, et me cache dans le profond de la terre que de permettre que je sois cause d’esmouvoir ton courroux contre ce grand empereur, le plus sage, le plus juste, le plus aimé et le plus estimé de tous ceux qui depuis Auguste ont tenu cet empire souz leur puissance.

Et à ce mot, se jettant à ses genoux, elle continua : Et vous, seigneur, faites moy plustost mourir, que de me ravir ce qui me peut rendre digne d’estre aimée de vous, et de me faire estre le sujet d’attirer sur vous la haine de Dieu et des hommes. Monstrez à ce coup que veritablement vous estes Cesar, c’est à dire seigneur, et commandez de sorte sur ceste passion que vous soyez aussi bien invincible à vous-mesme, que Dieu vous a rendu victorieux sur tous vos ennemis.

Valentinian la voyant à genoux la releva, et touché de ses remonstrances, estoit honteux de ce qu’il avoit fait, et eust bien desiré de ne l’avoir point entrepris. Ses paroles si pleines de veritables raisons, ses pleurs dont elle avoit tout le visage et tout le sein noyé, et la crainte de ce qui en pourroit advenir, avec sa naturelle bonté, luy firent prendre resolution de se surmonter soy-mesme, et de la renvoyer sans la toucher. Et en ceste volonté, après l’avoir un peu r’asseurée, il luy