Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/95

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s’il est possible que le cœur qu’il a vivement touché, luy puisse desobeir en quelque chose. S’il espreuve que cela n’est point, je le conjure par cest amour mesme qui a tant de puissance sur son ame, de me pardoner la faute que je commets pas force, et qu’il me permette de dire, que toute sorte de raison ordonne, que Celidée me doit aymer, et qu’il n’y a personne que moy qui puisse justement la pretendre sienne.

Car pour le premier point, que respondra Celidée, si je l’appelle devant le throne d’amour et si, en presence de cette equitable compagnie, je me plains à luy de cette sorte : Cest belle, ô grand dieu, qui se presente devant toy, c’est celle-là mesme que tu m’as commandé d’aymer et de server, sous les esperances que tu as accoustumé de donner à ceux qui te suivent. Si dés le commencecement j’ay contrarié à ta volonté, si depuis je n’ay point continué et si je ne me resous pas de parachever ma vie en ton obeissance, ô amour, qui lis dans mon cœur, voire qui de ta main mesme y escris tous mes desseins, chastie moy comme parjure, et empruntant contre moy la foudre du grand Tharamis, ecraze ma teste, comme celle d’un perfide. Mais si la verité respond à mes paroles, et si jamais personne n’ayma tant que moy, comment souffres-tu qu’elle trompe mes esperances, qu’elle desdaigne tes promesses, et qu’elle se mocque du mal