Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/970

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’ayt les larmes aux yeux, et quand l’empereur vient où elle est, je la vois toute changer, et s’en aller le plus tost qu’il est possible. Je luy en ay souvent demandé le sujet, mais je ne l’ay peu sçavoir d’elle et vous me faictes souvenir que je l’ay souvent ouy souspirer.

Ces considerations furent cause qu’elle me commanda de l’aller trouver de sa part, et de faire tout ce qui me seroit possible pour le descouvrir. J’y fus, et y usay de tout l’artifice que je pus, mais ce fut inutilement, n’y cognoissant autre chose qu’une grande animosité contre l’empereur. Et lors que je fis ce rapport à la belle Eudoxe, je l’advertis de feindre qu’elle en eust sceu quelque chose de Valentinian, et ’que cela peut estre la feroit relascher. Et il advint comme j’avois pensé ; car un soir, estant tous trois dans le cabinet de l’imperatrice, eue fut tant tourmentée de nous qu’en fin toute couverte de pleurs, et la belle Eudoxe feignant fort à propos d’en sçavoir une partie, elle fut contrainte de nous advouer la meschanceté qui luy avoit esté faicte. Et suivit apres un torrent d’injures contre l’empereur, et de paroles desesperées, qui emeurent de sorte Eudoxe, qu’elle ne se peut empescher d’accompagner de ses larmes la sage Isidore. J’eus à la verité compassion de cette honneste dame, et faut advouer que si c’eust esté autre que l’empereur, je luy eusse offert et ma main et mon espée pour venger un si grand outrage, mais contre celuy que