Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/971

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’avois recogneu pour mon seigneur, et à qui j’avois tant de fois promis fidelité, et duquel j’avois eu plusieurs bienfaits, et receu beaucoup d’honneur, je fusse mort plutost que d’y songer, ny d’entreprendre chose quelconque contre luy ny contre son estat.

Et lors que leurs larmes furent un peu escoulées, et que je peus parler à la belle Eudoxe : Madame, luy dis-je, voicy, ce me semble, un bon sujet pour me rendre le plus heureux homme qui fut jamais. – Et comment ? respondit-elle. – Vangez-vous, luy dis-je, ma belle princesse, et des mesmes armes dont vous avez esté offencée, vous ferez trois, voire quatre actions dignes de vous. Premierement vous tirerez vengeance de l’offence que l’on vous a faite, puis vous donnerez quelque satisfaction à vostre chere Isidore, vous chastierez celuy qui a failly, et vous me recompenserez et rendrez le plus content qui puisse estre entre les hommes.

La sage Isidore qui n’avoit parlé de long temps, empeschée de ses pleurs, se hasta de respondre avant que l’imperatrice: Madame, dit-elle, se jettant à ses genoux, je vous jure que ceste vengeance seroit la plus juste et la plus grande que je sçaurois jamais recevoir; aussi bien n’est-il pas raisonnable que celuy qui recognoist si mal le bien que le Ciel luy a fait le possede plus longuement sans compagnon ? Il est indigne si vous demeurez plus longuement sienne.